Axe 1 – Séminaire « Pensées plurielles du singulier. Cas, exemples, exceptions »
Le thème du séminaire du Centre pour les années académiques 2019-2020, 2020-2021 et 2021-2022 sera le suivant : Pensées plurielles du singulier. Cas, exemples, exceptions.
A partir de cette année académique 2021/2022, vous pourrez retrouver sur notre chaine youtube, les enregistrements de la plupart des séances du séminaire.
Ce thème pourra être déployé selon (au moins) deux directions complémentaires.
La première est d’ordre épistémologique et méthodologique. Il s’agit de déplier, dans le champ de la philosophie et des études littéraires – les deux domaines de recherche privilégiés du Centre Prospéro –, mais également dans d’autres sciences humaines, ce que signifie, pour reprendre le titre de l’ouvrage dirigé par J.-Cl. Passeron et J. Revel, « penser par cas »[1]. Confronté à la théorie, un cas singulier peut tout aussi bien faire figure d’exemple que d’exception : tantôt il assumera le rôle de preuve ou d’illustration pour la théorie qu’il contribuera à fonder, la question étant alors de savoir comment passer du cas à la généralisation ou de l’hypothèse théorique à son exemplification ; tantôt au contraire, le cas singulier se présentera comme un obstacle épistémologique par rapport au paradigme théorique : problème, exception, énigme, voire aberration, il impliquera un moment de rupture, d’indécidabilité ou même d’incompréhension dans le cours de la pensée ou de la recherche. Il s’agira donc d’explorer la tension féconde entre le général et le particulier dans la construction du savoir en s’interrogeant sur le statut de vérité du cas et sur les principes d’une science fondée sur la description, l’interprétation, l’évaluation ou l’exploration de la singularité.
Selon ce premier axe de travail, les intervenants pourront soit s’emparer de la question épistémologique d’une manière générale, soit exposer comment telle ou telle singularité – qui peut être une œuvre littéraire ou artistique – a constitué pour eux une pierre de touche, corroborant, infléchissant ou subvertissant un élément de théorie ou un savoir général et abstrait. Ils pourront également explorer de quelle manière la confrontation de la pensée au singulier peut s’avérer être un vecteur d’interdisciplinarité, en ce sens qu’elle constitue un point de rencontre épistémologique et méthodologique entre les sciences humaines, et même entre les sciences humaines et les sciences dites « exactes ».
La seconde direction est d’ordre théorique ou spéculatif et consiste à travailler le concept de singularité en tant que tel. Nul doute qu’aujourd’hui, les concepts de « singularité » et de « singulier » connaissent un engouement certain, non seulement en philosophie mais également dans de nombreux champs des sciences humaines. Mais reçoivent-ils toujours une acception clairement définie ? Notre séminaire se donnera pour ambition d’explorer cette question. En ce sens, on se demandera par exemple quel est le rapport entre singularité et subjectivité – une singularité est-elle une forme de subjectivité vidée de tout substantialisme ou de tout psychologisme, une subjectivité « impersonnelle », comme disait Deleuze[2] ? – ou encore, le rapport entre singularité et événement – toute singularité est-elle événementielle ? Tout événement constitue-t-il une rupture, un élément de discontinuité dans l’ordre continu du temps ? On s’interrogera en outre sur ce qui lie la singularité à la différence, comme cas particulier ou comme principe de différenciation, ou encore sur le rapport que des singularités peuvent créer entre elles et qui échappe au rapport du singulier à l’universel – singularités et répétition, singularités et série, singularités et catégorie, etc.
Au sein de ce second axe de travail, les intervenants pourront bien évidemment, s’ils le souhaitent, laisser une place à la réflexion esthétique et poétique : il s’agira alors de penser l’œuvre esthétique ou artistique comme une singularité radicale, que sa forme rend irréductible à toute autre, ce qui ne l’empêche pourtant pas de rentrer dans certains types de dialogue avec le général – le rapport de l’œuvre singulière au genre, par exemple, ou encore de l’œuvre à la théorisation.