Journée d’étude CAP « La scène et le texte en dialogue » – 8 novembre 2013

ATELIER DE LECTURE COLLECTIVE

Rivage à l’abandon, Matériau Médée, Paysage avec Argonautes de Heiner Müller

« L’objet-texte » : à partir de ce « commun », comment les praticiens et les théoriciens du théâtre entrent-ils en dialogue ? Le CAP propose à toutes celles et tous ceux qui en ont l’envie, comédien(ne)s, philologues, metteur(e)s en scène, philosophes, traductrices et traducteurs, spectatrices et spectateurs amateurs de théâtre, de se prêter à l’exercice d’un atelier de lecture en commun autour du triptyque du dramaturge allemand Heiner Müller : Rivage à l’abandon, Matériau Médée et Paysage avec Argonautes. Le seul préalable demandé pour participer à cet atelier est d’avoir lu ces trois textes dans la traduction française de Jean Jourdheuil aux éditions de Minuit et/ou en allemand (Werke 5, Die Stücke 3 chez Suhrkamp). Pour que notre discussion puisse réellement s’élaborer dans un va-et-vient entre la scène et le texte, nous vous proposons d’amorcer cette réflexion en visionnant ensemble la captation d’une mise en scène récente de ce tryptique : Medea, par la compagnie Kaleidos, spectacle créé en mars 2013 à l’Oriental de Vevey et au Théâtre du Galpon à Genève (site de la compagnie : http://www.ciekaleidos.ch/crbst_2.html. Trailer : http://www.youtube.com/watch?v=lxEJTpXytZU)

Trois axes de discussion seront privilégiés dans nos échanges, sans prétention à l’exhaustivité :

Ecrire/traduire pour les yeux ou pour les oreilles ? : Nietzsche déjà déplorait le fait que non seulement les livres, mais même la musique étaient écrits « pour les yeux » et non « pour les oreilles ». Par là, il attire notre attention sur la distinction entre une logique visuelle et une logique auditive de création et de réception des textes. Plus fondamentalement encore, cette question s’avère être une question de rythme, au sens où Henri Meschonnic l’entend : l’acte par lequel un sujet se réapproprie la langue commune en y créant la singularité de son langage, notamment marquée par sa manière de l’incorporer, au sens littéral et figuré du terme. Comment se « décrypte » le rythme spécifique de Heiner Müller ? Comment la traduction française le donne-t-elle à entendre ? Comment les comédiens se réapproprient-ils ce rythme dans leur corps pour le donner à entendre au public ? Par ailleurs, peuton envisager la mise en scène comme étant une forme de « traduction » ?

L’inter-textualité : collage ou tissage ? On sait que Heiner Müller écrivait ses textes en se basant sur un immense « matériau » inter-textuel, reprenant parfois des phrases entières à tel ou tel auteur pour les retisser dans sa propre création. Euripide, Sénèque, Hans Henny Jahnn, Ezra Pound, Grillparzer sont ses références principales pour le triptyque qui nous occupe. En nous basant sur les connaissances et compétences linguistiques des participant(e)s, nous souhaiterions parvenir à mettre en évidence certains de ces processus de réécriture.

Le texte : un produit fini ou un processus ? Le Nachlass (textes inédits) repris dans l’édition allemande donne à voir différentes phases d’écriture du triptyque. Il montre notamment que Rivage à l’abandon était au départ prévu pour Médée et/ou un choeur. Ce choeur n’est plus mentionné dans la didascalie de l’édition française, mais ne peut-on néanmoins percevoir les traces d’une « choralité » dans l’écriture même de Müller ? On soulignera aussi qu’une première version commençait par un prologue en forme de « jeu » (Medeaspiel), qui a ensuite totalement disparu. Nous interrogerons la pertinence, pour la scène, de s’en tenir « au produit fini » du dernier état du texte, ou d’essayer de rendre compte des strates du processus d’écriture.

Programme de la journée d’étude CAP « La scène et le texte en dialogue »